La nappe phréatique de Champigny est une ressource stratégique pour l’approvisionnement en eau potable d’un million de Franciliens. Elle est aussi prélevée par une quinzaine d’industriels et 84 exploitants agricoles. Elle s’étend dans la vallée de la Marne au nord, dans la vallée du Provinois à l’est, dans le plateau de Brie à l’ouest et dans la vallée de la Seine à Montereau-Fault-Yonne, au sud.

SyAGE : Le niveau du ru du Réveillon*, affluent de l’Yerres, est particulièrement bas, est-ce qu’il y a un lien direct avec celui de la nappe de Champigny ?

 Laurence Durance : Non parce que dans le secteur du Réveillon, la nappe de Champigny se trouve beaucoup plus bas que le ru, elle n’alimente donc pas le cours d’eau. Cela fonctionne dans l’autre sens : c’est la nappe qui est alimentée par les infiltrations de l’eau du Réveillon, parce que les fonds de la vallée sont poreux. Mais cet hiver, comme il n’y a pas eu de crue importante du Réveillon, il n’y a quasiment pas eu de recharge de la nappe dans ce secteur.

SyAGE : La nappe pourra t’elle se recharger si nous connaissons un printemps et/ou un été pluvieux ?

Laurence Durance : La nappe se recharge en hiver quand la végétation est en sommeil et ne demande pas d’eau, soit de novembre à mars environ. Exceptionnellement elle peut se recharger au printemps mais il faut alors des pluies de l’intensité de juin 2016, ce qui n’est bon pour personne.

SyAGE : Comment pouvez-vous qualifier la situation actuelle pour le niveau de la nappe de Champigny ? C’est une situation inédite ?

Laurence Durance : Le niveau de la nappe a déjà connu des hauts et des bas depuis qu’on la suit (1979) mais ce qui est inédit aujourd’hui, c’est le changement climatique qui entraîne une succession d’hivers secs, des sécheresses estivales plus fortes et plus longues qui imposent plus de prélèvements pour l’alimentation en eau potable et l’irrigation. La situation actuelle est préoccupante dans la zone Est de la nappe de Champigny (secteur du Provinois) et va entraîner des restrictions pour les captages de cette zone.

SyAGE : Certains secteurs sont-ils plus touchés que d’autres ?

Laurence Durance : Oui la zone Est de la nappe de Champigny est plus touchée. Le niveau de la nappe est déjà passé sous le seuil de vigilance et sans recharge, devrait atteindre le seuil d’alerte début avril. Compte tenu de la structure géologique de la nappe, il faut savoir que les restrictions n’empêcheront pas à elles seules que le niveau baisse, en revanche elles retarderont l’atteinte du seuil de crise. D’autant qu’on ne sait pas de quoi sera fait l’hiver suivant ! L’objectif de toutes les économies doit être de retarder le phénomène en limitant autant que possible les pompages dans la nappe, et ce dès à présent. Il faut donc agir maintenant. Le secteur Ouest de la nappe est moins touché. Il est classé Zone Répartition des Eaux depuis 2009, car il est très sollicité pour l’alimentation en eau potable. Les pompages sont plafonnés et pour les plus gros revus à la baisse. Mais même s’il n’y a pas de restrictions, il est nécessaire d’économiser l’eau.

SyAGE : Est-ce que des mesures d’urgence vont être prises afin d’éviter une situation de crise ?

Laurence Durance : Le seuil d’alerte va être atteint sur la zone Est probablement début avril, il y aura alors des mesures de restrictions imposées par arrêté préfectoral, comme l’interdiction d’arrosage des pelouses, des espaces verts, des terrains de sport ou des potagers.

SyAGE : Hormis des économies d’eau, quelles mesures peuvent être prises pour améliorer la situation à moyen et long terme ?

Laurence Durance : Il faut être résilient face au changement climatique en adaptant nos pratiques que ce soit pour la consommation d’eau potable : regarder les usages d’eau potable qui se satisferaient d’une eau non traitée, ou pour l’irrigation : espèces résistantes à la sécheresse, couverture des sols, modalités d’irrigation en goutte à goutte par exemple).

*AQUI’ Brie a été créée, en 2001, par le comité des usagers de la nappe pour comprendre son fonctionnement et la protéger. Aujourd’hui, une trentaine de membres et dix salariés mettent en œuvre des actions de protection, gèrent et analysent des suivis de son niveau et de sa qualité et développent des démarches de concertation avec tous les acteurs locaux. Ses actions sont financées par ses membres, en particulier l’Agence de l’eau Seine Normandie et le Conseil départemental de Seine-et-Marne.

*Le débit du Réveillon est faible pour cette période de l’année. Il se situe généralement entre 0.5 et 1 m3/sec à cette période de l’année pour 0,1 m3/sec, le 28 mars 2023.

Pour l’Yerres, à la station de Courtomer, le débit est généralement entre 1 et 3 m3/sec à cette époque pour 0.3 m3/sec, le 28 mars.

Pour l’Yerres, à la station de Boussy-Saint-Antoine, il se situe généralement entre 3 et 5 m3/sec contre 1.3 m3/sec, le 28 mars.